En regardant un film turc au cinéma ce weekend (Organize Isler 2, pas exceptionnel mais agréable), je me suis rendue compte que des séquences courtes de paysages d'Istanbul étaient très souvent utilisées pendant les transitions entre deux scènes. Et dans ma tête, je me suis dit: "C'est quand même facile. Quand un film prend place à Istanbul, il n'y a pas besoin de faire plus d'effort que cela côté esthétisme de l'image, la ville se suffit à elle-même !"
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Après avoir rencontré de très nombreux artistes à Istanbul - photographes, dessinateurs, réalisateurs, danseurs, musiciens, écrivains... je me suis rendue compte que cette ville suffit à elle même pour inspirer un très grand nom d'artistes dans leur production d'art, quel qu'il soit... Moi-même, je figure en quelque sorte dans cette liste car j'écris un roman en ce moment, et il prend place dans cette magnifique ville d'Istanbul, mais également, cela fait près de 8 ans que j'écris ce blog dédié à Istanbul.
Une interrogation légitime s'est donc imposée à moi, et j'aimerais la partager avec vous:
• Lorsqu'on produit un art et que l'on y représente Istanbul, n'est-ce pas un moyen facile de transférer l'amour que le public a pour la ville sur notre art ?
• N'est-ce pas un moyen dissimulé d'accéder à une plus grande audience en référent son travail à un symbole que beaucoup chérissent ?
• N'est-ce pas un moyen dissimulé d'accéder à une plus grande audience en référent son travail à un symbole que beaucoup chérissent ?
Pour donner des exemples,
- Orhan Pamuk aurait-il eu un si grand succès si son livre s'était appelé Malatya au lieu d'Istanbul ?
- Orhan Pamuk aurait-il eu un si grand succès si son livre s'était appelé Malatya au lieu d'Istanbul ?
- Ara Güler aurait-il eu un si grand succès si ses photos n'étaient que des représentations d'arbres à noisettes ?
En d'autres mots, je me demande dans quelle mesure le succès de l'artiste devient-il dépendant des symboles qu'il utilise pour promouvoir son art ? Aurais-je eu autant de succès si mon blog avait porté sur les chaussettes parfumées au paprika et non sur Istanbul? En représentant des symboles forts dans notre art, n'essaye-t-on pas de leur voler la vedette... (ou de gagner de la notoriété sur leur dos....)? N'est pas trop facile de baser une carrière artistique, un livre, un film sur une ville déjà très populaire comme Istanbul ?... que de questions phylosophiques n'est-ce pas ?
Pour exemple, le film dont je vous ai parlé en première ligne n'était vraiment pas exceptionnel, mais je l'ai trouvé agréable car il m'a fait faire un beau petit tour de la ville en hélicoptère... Dans mon esprit, je l'ai donc ajouté à la catégorie "agréable". C'est un peu facile non ?
Étant en pleine réflexion sur ce sujet depuis le début de la rédaction de mon roman, j'ai croisé la route de Clod, un illustrateur tombé amoureux d'Istanbul il y a peu et qui a commencé à représenter la ville dans son art. Voyons comment il a rencontré Istanbul et ce qu'il pense sur le sujet:
Peux-tu te présenter, nous dire ce que tu fais dans la vie et quel est ton lien avec Istanbul exactement ?
Je suis illustrateur, je travaille à la commande et je développe en parallèle des projets personnels sur des thématiques, comme le vélo ou le voyage. En 2017, Yusuf, un ami turc, me propose de l’accompagner en Turquie. Me voilà donc embarqué pour Istanbul, sans rien connaître de cette ville.
Quel sentiment as-tu ressenti en découvrant Istanbul pour la première fois ?
Depuis le pont de Galata, à la nuit tombante, à la vue des deux rives de la Corne d’Or, j’ai été littéralement envouté. Je n’avais jamais rien ressenti de tel. Durant mon séjour, je suis allé d’émerveillements en émerveillements. À commencer par la beauté des mosquées de Sinan et bien sûr l’incroyable Aya Sofia. J’ai fait le tour des lieux touristiques qui m’ont véritablement enchanté.
Mais je retiens surtout d’Istanbul, de petits moments que je garde précieusement au fond de mon cœur ; l’après-midi que j’ai passé à faire des croquis dans le jardin de la mosquée Atik Valide sur la rive asiatique, la discussion avec un vieux monsieur turc avec qui j’ai partagé un simit sur la Corne d’Or et même encore ces délicieux loukoums dégustés chez Hakki Zade tout en observant l’activité grouillante des rues d’Üsküdar... Ce que j’ai aimé par-dessus tout c’est me perdre dans les quartiers périphériques où il n’y a rien de particulier à voir et où l’on voit tout finalement, prendre le pouls de la ville et faire des croquis.
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En quoi Istanbul t'a inspiré exactement, et de quelle manière cette inspiration s'est retranscrite dans ton art ?
J’ai fait énormément de croquis sur place. Je trouve qu’Istanbul est une ville très intéressante d’un point de vue graphique. Les façades des immeubles d’Istanbul se révèlent d’une étonnante poésie si on prend le temps de les regarder. Formes, matières et couleurs s’entrechoquent sans règle esthétique et forment des patchworks reliés par des fils électriques. Les ferronneries, bardant les fenêtres des immeubles, toutes différentes les unes des autres, crées des motifs à l’infini. Tout ce méli-mélo donne à la vile un charme fou.
J’ai aussi découvert les magnifiques céramiques d’Iznic et surtout les miniatures ottomanes. C’est évident que tout ce que j’ai pu voir à Istanbul imprègnera mon travail, à la fois dans la façon de représenter les choses, comme par exemple la forme d’un arbre ou d’une maison, mais plus largement dans les thématiques de mes projets personnels. Je garde en tête l’idée de faire un petit livre sur ma vision d’Istanbul à travers mes croquis et mes illustrations.
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Lorsqu'on produit un art et que l'on y représente Istanbul, n'est-ce pas un moyen manipulatif de transférer l'amour que le public a pour la ville sur notre art ?
Quand on parle d’Istanbul, on part avec une longueur d’avance, car on s’adresse à un public conquis. Mais attention, il faut le faire avec le cœur. On ne badine pas avec l’Amour en quelque sorte. Il faut d’abord savoir aimer la ville dans tous ses aspects pour pouvoir la montrer telle est l’est. Sinon, on ne montre que de mauvais « clichés » et le public peut se sentir trahi. Enfin, je pense que c’est le regard que pose l’artiste sur la ville qui intéresse le public. Un regard propre à l’artiste et sans doute assez loin des images des cartes postales.Fin de l'interview...
Je sais pas pour vous mais mise à part l'amour portée par Clod pour cette ville qui transpire de ses réponse, sa dernière concernant l'oeil que pose l'artiste sur la ville me semble très intéressante et pleine de sens.
Qu'en pensez-vous ? Lisez-vous ce blog parce qu'il donne des informations sur la ville et point ? Ou également parce qu'il est était avec ma plume, et mon regard sur la ville ?
Merci à Clod d'avoir participer à cette interview. N'hésitez pas à commenter sur son travail en commentaire, il mérite largement des encouragements et applaudissements pour ses magnifiques illustrations! Si vous voulez en savoir plus sur lui et son travail, voici son site internet: www.clod-illustrateur.fr